Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres
intrigue les personnes de notre époque qui se demandent ce qu'il peut bien
signifier, et à quoi il pouvait servir à nos ancêtres.
Inconsciemment, en se posant cette dernière
question, ils commencent à trouver la solution, ils entrent dans la voie voulue
par les concepteurs du labyrinthe.
Il est malheureusement connu par le grand public pour les "forces" en son centre. Forces telluriques dont l'existence n'ont jamais été prouvées par les appareils de la science actuelle, ce qui ne veut pas dire qu'elles n'existent pas, car certains ressentent quelque chose, qui ne sont ni illuminés, ni païens. Mais la richesse du labyrinthe est de toute autre nature.
Une des racines de labyrinthe est
"laborintrus", mot latin qui comporte la racine "labor", travail, dans le sens
d'effort. De ce terme découlent plusieurs mots dont "labrum", sillon ouvert par
le "labrus", nom donné à une hache à double tranchant, une de ces haches qui
séparent le bien du mal, le haut du bas, le profane du spirituel. Peut-être
est-ce là qu'il faut chercher l'origine des "forces" signalées au centre du
labyrinthe, "forces" chthoniennes, sataniques de dessous ? Le labyrinthe serait
dans ce cas un "nœud" qui bloque toutes ces "forces" et sépare donc le profane
du sacré dans un lieu saint.
Cosmos était le sanctuaire de la hache, l'emblème
du Roi, l'équivalent du Z de Zeus / Minos, la foudre qui relie la Terre au Ciel.
La hache est l'instrument qui relie ou sépare le terrestre et le céleste.
Une autre origine du nom serait "labra" qui désigne les cavernes, les galeries de mines et "inthos" suffixe de racine pré-indo germanique qui se rapporte aux jeux d'enfants. Ainsi "labra-inthos", labyrinthe, désignerait les jeux de la caverne. Un lien possible peut donc exister avec la fameuse "Caverne" de Platon, entre les ombres et la Lumière, entre l'alternance noir et blanc du labyrinthe, le long du parcours qui conduit du profane au sacré, de la nuit vers le divin.
Les labyrinthes existent dans le monde
entier depuis des millénaires. Les plus anciens datent de 15.000 ans. On en
trouve en Amérique, en Suède en Grande-Bretagne, Italie, Inde, Egypte et
naturellement en France.
Hérodote
décrit celui du lac Moéris, construit par Aménemha III sous la 2ème
dynastie. Il contenait 3000 chambres. Anubis, le dieu égyptien, y prenait en
charge les âmes des défunts pour les conduire jusqu'à Osiris, afin que ce
dernier prenne sa décision sur le devenir du mort.
Fait de cavernes et de carrières, ces
lieux sous terre étaient des lieux initiatiques.
Le plus célèbre, celui de Cnossos, en Crête,
formait une spirale se rétrécissant vers le centre en montant, pour déboucher à
l'air libre. Dédale, son concepteur, a laissé accroché à son nom ce concept de
complexité, mais n'oublions pas que son fils Icare en se rapprochant du Soleil a
fait fondre ses ailes. Si tous les chemins mènent à Rome, certaines intentions
peuvent en éloigner … définitivement.
Peu à peu, les labyrinthes à trois
dimensions, avec des voies sans issues, celles des errements et des culs de
basses fosses, ont laissé place aux labyrinthes à deux dimensions et à une seule
voie, menant au centre après des croisements et des retours en arrière. Façon
comme une autre d'obliger au retour sur soi, à la descente dans son intériorité
la plus intime.
Il en existe des
circulaires (Saint Vital de Ravenne, Saint Savin de Plaisance, Sens, Guingan,
Bayeux, Saint Michel de Pavie…), des carrés (Basilique San Reparatus
d'Orléansville, Villa Diomède à Pompéi, San Bertin à Saint Omer…) et octogonaux
(Saint Quentin, Arras, Reims, Amiens…), des géants et des petits.
Globalement, avec cette évolution,
l'appellation labyrinthe est devenue erronée, car il n'y a plus qu'un seul
chemin.
A ce stade il est amusant d'observer que le "Jeu de l'Oie" n'est pas un jeu anodin, mais est un pèlerinage sur un labyrinthe pour enfants, dans lequel la symbolique est la même. Avec ses embûches, ses pénalités et ses retours en arrière, c'est une façon d'apprendre aux jeunes, et parfois aux moins jeunes, les règles du "jeu" de la "Vie". Autre message laissé par La Tradition de nos anciens parmi d'autres jeux tels que celui de "la marelle" qui conduit de la terre au ciel, de l'enfer au paradis en passant par la croix.
Si j'avais à définir le labyrinthe, je dirais que c'est avant tout un chemin de prière et de méditation pour celui qui fait un pèlerinage.
C'est en partie pour cela que celui de
Chartres est également connu sous le nom de "Chemin de Jérusalem" car au temps
des croisades, nombreux étaient ceux qui ne pouvant aller en Terre Sainte,
parcouraient le labyrinthe, par substitution faute de pouvoir partir. Son
parcours fait à genoux, prenait autant de temps que de marcher une "lieue", d'où
son autre nom : "la Lieue"
Mais je
viens de dire "en partie", car le terme de Jérusalem dépasse le simple nom de la
Cité Terrestre pour faire allusion à la Cité Céleste, modèle idéal pour ceux qui
cherchent à retrouver le paradis perdu, modèle pour ceux qui par une vie
exemplaire essayent de retrouver la pureté originelle.
Celui de Chartres est situé à la 3ème des 7 travées de la nef, 7, somme des nombres 4 et 3, symboles de tous temps de la matière et de l'esprit. Il est donc situé à l'intersection de la Terre et du Ciel.
L'homme, dans le monde entier, a
conscience de la dégradation de son état sur terre par rapport à ce que ses
ancêtres les plus lointains ont connu.
Pour nous, chrétiens, Adam et Eve sont les modèles
archétypes par où, tout a commencé. Nous cherchons à retrouver l'état adamique
de pureté idéale, celui où Adam possédait la "Parole" c'est à dire la
possibilité de créer en nommant comme le fait Dieu, le Verbe. Pour cela, nous
cherchons à reconstruire sur terre une cité "semblance" de celle dans les cieux,
nous cherchons à retrouver le Paradis perdu, la Parole perdue. Le nom choisi est
Jérusalem car il symbolise le lieu de la venue du Messie sur terre.
L'homme qui part en pèlerinage avec un but
géographique sur la planète, cherche à retrouver son créateur au travers de la
manifestation qu'il traverse lors de son voyage et arrive au terme de ses
pérégrinations, en état de symbiose totale avec l'environnement créé par
Dieu.
Voyage "initiatique" réel, à
la fois début, "init" de "initium" et fin.
Il fait alors partie du tout, a rejoint l'Un, son
créateur, totalement conscient de la part qu'il lui reste à jouer dans
l'accomplissement de l'œuvre divine, dans la manifestation.
Comment mieux "qualifier" le Divin que par le mot :
"absolu" ? Or, "Absolum" était le nom du labyrinthe de Cnossos,
celui du combat de Thésée et du Minotaure. Autrefois, une plaque de bronze
représentant Thésée et le Minotaure était fixée au centre du labyrinthe de
Chartres. Elle a été déposée.
L'homme qui parcours le labyrinthe, part
dans un voyage initiatique virtuel. Il s'isole de la manifestation et se
concentre (Quel beau mot) sur lui-même, recherchant en lui les traces de la
manifestation divine.
Lui aussi
arrive au bout de son voyage en parfaite communion avec Dieu. Il comprend
progressivement par les allers et retours du parcours, qui le rapprochent et
l'éloignent du Centre qu'il est nécessaire de chercher en allant de l'avant,
mais qu'il est bon de regarder derrière soi, puisque tout a commencé
"avant".
"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu".
On ne se coupe pas de ses racines, sous
peine de mourir.
On ne sait pas
s'il y avait un "fil d'Ariane" au début du labyrinthe de Chartres, accroché à un
anneau, mais au début du parcours, un anneau a laissé son empreinte. Reliait-il
le pèlerin dans son aventure, au sens de "avent", à son passé, à ses racines
?
Nouveau Thésée, il va combattre
symboliquement le Minotaure incontrôlable, son Minotaure, celui des aspects
négatifs de sa personnalité, aspects qu'il se sera lui-même confessés.
Il en sortira régénéré, comme Thésée,
tout comme notre Seigneur Jésus-Christ vainquit la mort et ouvrit le chemin de
la vie. Il est régénéré par son statut "Royal" et triomphe du Satan à l'aide du
fil d'Ariane, fil de la Vierge Marie, fil de l'Amour qui répond à la bestialité
et à la mort. Il lui est envoyé à temps par le Divin et le guide dans ses
épreuves. Ne pas perdre "le fil" est fondamental pour celui qui récite un Rituel
initiatique, que ce soit du temps du pseudo "Livre des morts" égyptien ou de
notre temps lorsque nous récitons les Psaumes.
A noter que selon La Tradition, seuls les Rois, initiés et représentants de Dieu sur Terre, peuvent aller et revenir sans dommage entre les trois mondes (souterrain, terrestre et céleste) car ils en connaissent les voies.
Pour revenir à notre pèlerin, la dernière station à genoux, le dernier pas, celui qui le place au centre du labyrinthe, celui qui marque la réussite des retrouvailles, celui qui l'oblige à se relever, était fort justement appelé le "Saut de la Joie".
Nous pouvons l'imaginer, arrivant devant
Chartres, ayant prié dans la Crypte, pour se purifier et rendu hommage à Notre
Dame, se déchausser ("Ote tes chaussures de tes pieds, car le lieu où tu te
trouves est sacré") pour ne pas souiller ce saint lieu avec les poussières du
monde profane (de "profanum" qui est devant le temple) et tomber à genoux devant
l'entrée du labyrinthe face à l'autel.
Nous pouvons imaginer son lent cheminement et sa
progression le long du parcours initiatique, chantant les psaumes de David. Ses
multiples allers retours lui font comprendre la nécessité du retour sur soi,
mais également à considérer une situation selon divers points de vues. Vieille
nécessité de prendre de la distance afin de mieux juger, appréhender un
problème.
Le fait de croiser un
autre pèlerin sur la voie, rappelle que seule l'expérience personnelle est
valable.
Un jour dans un sens, un
jour dans l'autre, celui qui cherche trouvera et se sera enrichi au passage de
"points de vues" apparemment opposés mais en réalité complémentaires d'une même
et unique solution.
Arrivé dans la
dernière ligne droite, il se prépare à rencontrer celui qu'il sait être présent,
"celui qui est et a toujours été", au centre.
Là, il est obligé de se relever, comme aspiré vers le haut, seule voie de sortie du labyrinthe. En effet, la seule autre alternative, serait la mort.
C'est cela le "Saut de la Joie", car
l'allégresse est extraordinaire pour celui qui vit réellement ce cheminement.
Les derniers psaumes sont une série d'Alléluia qui aboutissent pour celui qui
entend, en un concert unique de musique sacrée. Il est face à Dieu.
" Debout les Hommes". Pas n'importe
lesquels, mais ceux qui sont devenus conscients, c'est à dire qui
partagent "La Science".
Pourquoi
le mot "Saut" ? Existe-t-il de meilleur terme pour faire comprendre le passage
soudain d'un état de l'être à un autre ? Celui qui vient d'aboutir dans sa
démarche spirituelle a soudainement changé de niveau de compréhension, au sens
étymologique du terme, et en un instant, en une illumination, sauté au niveau
supérieur.
Mais cette sortie vers le haut, cette rencontre avec le divin, avec la Lumière, avec le Verbe, n'est que temporaire. Il faut redescendre sur Terre afin de propager la "Parole" et montrer le chemin à ceux qui la cherchent.
Copyright © Gérald Béhuret - 27/06/1999
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